Les médicaments homéopathiques

Les profanes peuvent être surpris par les inscriptions sur les tubes d’homéopathie. Essayons d’y voir un peu clair, et expliquons brièvement les différents types de médicaments homéopathiques.

« Nomina si nescis, perit et cognitio rerum »

Comme le dit la locution latine, « si tu ignores le nom des choses, leur connaissance même disparaît. » On pourrait paraphraser et affirmer que si l’on nomme mal les choses, on ne sait plus de quoi elles sont faites ! C’est pourquoi une dénomination latine est généralement utilisée pour les médicaments homéopathiques. Celle-ci suit la nomenclature universelle des dénominations scientifiques de botanique et zoologie – rendons hommage au passage à Karl von Linné pour avoir jeté les bases claires de la classification botanique ! Ce recours au latin pourra vous paraître désuet, mais ne vous y trompez pas : cela révèle la visée universelle (et non-marchande !) de l’homéopathie ! Au passage, que dire, donc, des médicaments prétendus « homéopathiques » portant des noms commerciaux se terminant par … « trade mark » ou … « registrered » ? Nous vous laissons y réfléchir !

Carl von Linné, Pulsatilla pratensis

DH, CH, K et autres appellations comment s’y retrouver ?

Pour les simples profanes, ces appellations « DH », « CH », « K » précédées de chiffres 5, 7, …, 30, … (et même quelquefois de chiffres latins : « M », « XM », etc.) peuvent sembler bien incompréhensibles ! Voici quelques points de repères

significations des mentions sur emballage médicaments homéopathiques

La plupart du temps, le nom du médicament se réfère à la dénomination scientifique (en latin) de la souche ayant servi à son élaboration.

Le chiffre (dans l’exemple ci-dessus : 9) représente le nombre de cycles de dilution-dynamisations auquel la souche (substance de départ) a été soumis.

Les lettres DH signifient « Décimale Hahnemannienne » (dilution-dynamisation au 1/10e) suivant le procédé mis au point par Hahnemann)

Les lettres CH signifie « Centésimale Hahnemannienne » (dilution dynamisation au 1/100e) suivant le procédé mis au point par Hahnemann)

La lettre K signifie « Korsakoff » (du nom du procédé mis au point par Korsakoff médecin aux armées russes). Pour ce mode de préparation, la dynamisation est généralement indiquée en chiffres romains : MK = 1000 K ; XMK = 10 000 K ; etc. Quelques fabricants emploient quelquefois des dénominations différentes !   1MK (=MK) ; 10MK (=XMK), etc… C’est probablement plus facile pour ceux ne maitrisant pas bien la numération romaine et qui pourraient y perdre leur latin !

D’autres préparations beaucoup moins connues existent  : les LM et Q, les FC et les Dunham

Les lettres LM sont empruntées à la méthode de numération romaine L = 50 ; M=1000, d’où LM = 50 000 ! Autrement dit : quinquaginta millesimal – 1/50 000. Elle sont suivies d’un chiffre indiquant le nombre de cycles de dilution-dynamisation (LM1, LM2, LM3, etc).

La lettre Q est l’abréviation de Quinquaginta millésimal. Du point de vue arithmétique, il s’agit d’un même niveau de dilution-dynamisation que les LM ; elles sont toutefois fabriquées de façon un peu différente et se trouvent sous forme de minsucules micro-globules – Samuel Hahnemann parlait de taille de graine de pavot. Tout comme pour les LM, les chiffres qui suivent indiquent le nombre de cycles de dilution-dynamisation (Q1, Q2, Q3, etc). Pour des raisons historiques, l’Europe est seule à utiliser cette appellation. Et généralement aux USA et en Inde (un des pays où l’homéopathie est la plus prescrite) les LM sont des Q : ce ne sont pas les mêmes LM que celles fabriquées en Europe ! Encore de quoi en perdre son latin !

Nous évoquerons également plus loin les FC (Fluxion continue), les Fincke (Fluxion Continue préparées par le Dr Bernardt Fincke) ainsi que les Dunham introuvables en France.

En France, les préparations DH, CH et K sont les plus usitées.

Les DH (décimales)

Les DH étant utilisées principalement en basses dilutions, leur mode d’action n’est pas spécifiquement homéopathique : on se situe ainsi quelque part entre les modes d’action « allopathique » (contraire) et « homéopathique » (similitude). Selon le médicament et la personne traitée ces DH en basses dilutions pourront toutefois présenter une petite action homéopathique.

A noter que dans certaines publications, la dénomination X (par exemple « 3X ») est employée à la place de DH. Mais elle n’est plus du tout employée en pharmacie.

(*) Profitons de l’évocation des DH pour faire une allusion rapide au mode d’action du médicament homéopathique en comparaison avec celui des médicaments prescrit par votre allopathe.

 

L’allopathie use de médicaments qui jouent la plupart du temps sur un effet contraire aux maux. Les appellations « antiinflammatoire », « antihistaminique », « antidépresseurs », etc. sont là pour en témoigner. Pour qualifier cette action contraire, les homéopathes utilisent le mot « action énantiopathique ».

 

L’homéopathie utilise la loi de similitude : « les semblables soignent les semblables », c’est-à-dire « neutralisation des séries symptomatiques par des séries phénoméniques semblables ; c’est-à-dire. encore : neutralisation des maladies naturelles par des agents capables de produire, sur l’homme sain, des maladies artificielles semblables ». (Dr Pierre Granier, Homéolexique). Les homéopathes utilisent le mot « action homéopathique ».

 

Les substances pharmacoactives en quantité pondérale ont pour but de produire un effet contraire aux maux. Au fur et à mesure de leurs dilutions-dynamisations, elle perdent leurs propriétés éniantopathiques pour acquérir un potentiel homéopathique. Mais (pour ainsi dire) en dessous de ses propriétés énantiopathiques existe une capacité à agir par similitude ! Il existe pour chaque substance non dynamisée ou faiblement dynamisée une « plage théorique » à l’intérieur de laquelle les potentiels effets eniantopathique et homéopathique cohabitent : il y a dans les basses dynamisations (et notamment dans les DH) un « brouillard » potentiellement homéodynamique – représenté dans le schéma ci-dessous par un brouillard de particules vertes en dessous de l’action énantiopathique.

Les CH (centésimales)

L’abréviation « CH » est typique au monde francophone ; les anglosaxons précisent seulement « C » en préfixe. Ainsi, par exemple, 30CH = C30.

Les CH sont les préparations les plus utilisées en France. Les échelles de fabrication sont 1CH, 2CH, 3CH, 4CH, 5CH, 7CH, 9CH, 15CH, 30CH. A noter que dans le monde anglo-saxon cette échelle est un peu différente : C3, C4, C5, C6, C9, C10, C12, C15, C30 – certains fabricants étrangers proposent également du C60, C100 et C200.

Les CH obtenues par trituration jusqu’à 3CH

En dehors des préparations faites à partir de minéraux, ce mode de préparation n’est pas pratiqué en France. Il y a des raisons historiques à cela ; raisons qui, de surcroît, arrangent probablement l’industrie : ce mode de préparation est long et requiert exclusivement la main de l’homme. La dynamisation 3CH obtenue par ce procédé est ensuite élevée aux cycles de dilution-dynamisation supérieurs par le procédé en phase liquide décrit précédemment. La comparaison de médicaments issus d’une même souche par trituration ou par dilution-dynamisation de teinture-mère donne un avantage au procédé de trituration pour ses qualités dynamiques.

Préparation des CH par trituration jusqu'à 3C

Les K (Korsakoff)

Elles sont principalement du domaine de l’homéopathie uniciste. Ce mode de fabrication permet d’obtenir de très hautes dilutions-dynamisations. Songez que pour fabriquer une 1 000CH, il faudrait disposer de 1000 flacons neufs !

L’usage des hautes dynamisations ne peut en aucun cas être du domaine de l’automédication ou de l’usage par un « amateur » peu au fait des règles de l’homéopathie : sur une personne présentant une « affinité » au médicament choisi, un excès de dose (quantitatif ou par répétitions) peut provoquer des aggravations importantes, tandis que leur effet peut être nul si cette affinité n’est pas présente. Elles peuvent exiger des délais d’attente très longs entre les doses.

Les LM et Q (quinquaginta millésimales)

Elles sont très peu répandues en France pour des raisons historiques. Leur emploi diffère des CH et des K. Sauf cas exceptionnels, bien que fournies la plupart du temps sous forme de globules ou de microglobules, les LM et Q sont à préparer sous forme de doses liquides pour être absorbées.

Les LM et Q sont des dynamisations de choix pour le traitement d’affections chroniques. Contrairement aux CH ou aux K pour lesquelles les répétitions de doses sont à manier avec précaution, elles permettent un renouvellement régulier et une amélioration progressive de l’état du malade. Pour employer une image, on pourrait évoquer une «lame de fond restauratrice ». Pourtant, dans le domaine des affections plus aigues, pour lequel on pense moins à leur usage (probablement pour des raisons historiques), leur efficacité n’est pas à prouver . Les LM et Q demandent toutefois une bonne connaissance de leur maniement et sont à réserver exclusivement à l’homéopathe .

Les préparations LM et Q à partir de LM2 ou Q2 sont préparées à partir de LM1 ou Q1.

Les préparations peu connues

A notre connaissance, un seul fabricant en Europe propose 2 types de préparations « spéciales ». Elles ne manquent pourtant pas d’intérêt !

Les « Fluxion continue » ou « Fincke »

Il s’agit de médicaments préparés à partir de dilutions en continu. Ces médicaments offrent l’avantage de pouvoir atteindre de très hauts niveaux de dilution-dynamisation et l’usage montre que leur mode d’action se situe quelque part entre les K et les LM/Q : action douce et profonde. Comme les K en hautes dynamisations ainsi que les LM, leur usage est réservé à l’homéopathe.

L’appellation Fincke dénomme des médicaments obtenus également par Fluxion continue. Ce sont toutefois des duplicatas (*) de ceux produits par le Dr Bernhard Fincke, inventeur à la fin du XIXe siècle d’un appareillage permettant ce type de préparation. Les souches sont pour la plupart celles ayant servi à l’expérimentation d’époque et sont donc remarquablement fidèles à la Matière Médicale.

(*) Il est tout-à-fait possible, en suivant des règles précises, de réaliser des duplicatas de médicaments, d’autant que des médicaments très anciens conservés correctement ont montré avoir conservé toutes leurs propriétés dynamiques !

Les « Dunham »

Il s’agit de duplicatas de médicaments fabriqués par le Dr Carroll Dunham dont a hérité le Dr André Saine du Québec. Ce sont des 200èmes obtenues par un procédé de dynamisation mécanique très énergique : les solutions à dynamiser reçoivent l’énergie de 180 chocs produits par 4 masses de 500 kg tombant d’une hauteur de 45 cm , tandis que les fioles de préparation sont vidangées puis remplies à nouveau de solvant à chaque cycle – à la façon des K. Ces médicaments ont un potentiel énergétique important et sont très utiles dans les cas aigus exigeant un fort effet dynamique. Du fait de leur puissance énergétique, leur usage est réservé à l’homéopathe.

Du liquide au solide

Pour passer de solutions dynamisées aux granules et globules auxquels vous êtes habitués, ces derniers sont imprégnés des solutions préparées comme les schémas plus haut le montrent. Outre le fait que le médicament est plus pratique sous cette forme, les globules ou granules présentent un avantage sur le médicament liquide : un tube est facilement transportable avec soi  – et d’autre part, lors des secousses et chocs dans les déplacements, les médicament homéopathique ne subit pas de dynamisations indésirables – contrairement aux formes liquides.

A chaque type de préparation son utilisation

Pourquoi utiliser une 30CH plutôt qu’une 200K ? Pourquoi pas une MK ? Pourquoi une LM1 au lieu d’une FC XMK ? Pourquoi une 6CH ? Sur quels critères renouveler ?

Tout d’abord, le point primordial est la réceptivité de la personne au médicament homéopathique. Il existe un potentiel d’affinité élective unique entre un médicament et la personne qui va le prendre. Plus précisément, cette affinité élective est basée sur la similitude entre le médicament et le malade. L’expérience montre que plus cette similitude est importante, et plus la quantité de médicament à prendre doit être réduite !

« Un remède, même homœopathiquement approprié, est nuisible quand a prise donnée est trop grande en volume et davantage encore si celle-ci est trop fréquemment répétée. Cet effet est d’autant plus pernicieux que le remède a été plus homœopathiquement sélectionné et que la dynamisation est plus haute. Si de telles erreurs sont commises, on porte un préjudice plus grand au malade qu’avec une dose égale d’un médicament impropre (allopathique), c’est-à-dire sans rapport aucun de convenance avec la maladie. » Samuel Hahnemann, Organon VI, § 276

 

Un autre point est à prendre en compte : le potentiel dynamique du médicament ! Ce potentiel est fonction non seulement de son mode de préparation, mais il dépend aussi de la substance de départ. Un médicament homéopathique contient une énergie : il est important d’évaluer quelle « puissance » d’énergie homéopathique la Force Vitale de la personne malade peut supporter.

Une histoire de couple !

Il existe évidemment des règles pour tout cela. Ces règles sont interdépendantes et ne s’avèrent effectives que dans un contexte d’individualisation . Tout dépend de la personne à traiter, du médicament choisi… Et donc du couple fusionnel qu’ils forment – ou devraient former !

Références :
Samuel Hahnemann, Organon der Heilkunst VI – Narayana Verlag
Luc de Schepper, Hahnemann revisisted – Full of Life Publishing
Luc de Schepper, Achieving and Maintening the Similimum – Full of Life Publishing
Luc de Schepper, Advanced Guide for Professional Homeopaths – Full of Life Publishing
Edouard Broussalian, Principes de la nouvelle médecine Vol.1 & Vol.2 – HLP Publishing
James Tyler Kent (trad. Franck Choffrut) Conférences sur la philosophie de l’homéopathie – Narayana Verlag
Harimohan Choudhary, 50 Millesimal Potency in Theory and Practice – B. Jain Publisher
Robert Barker, LM Potencies – The Homoeopathic Supply Company
Adolf Lippe, Organon commenté par E. Broussalian – HLP Publishing
Farokh J. Master, Bedside clinical precribing in homeopathy – B. Jain Publisher
André Saine, Seminar Homeopathy Vol. II The Method – Lutra
George Vithoulakas, The Science of Homeopathy – Academy of Classical Homeopathy
George Vithoulkas, Les Niveaux de Santé (trad. E. Broussalian, J.C. Ravalard) – HLP Publishing

 

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